De la possibilité de supprimer la propriété privée

15ème question. –La suppression de la propriété privée n’était donc pas possible autrefois ?
Réponse.  Non. Toute transformation de l’ordre social, tout changement dans les rapports de propriété, sont la conséquence nécessaire de l’apparition de nouvelles forces productives ne correspondant plus aux anciens rapports de propriété. La propriété privée elle même est apparue. Car la propriété privée n’a pas toujours existé. Lorsque, à la fin du moyen âge, un nouveau mode de production est apparu dans la manufacture, mode de production en contradiction avec la propriété féodale et corporative de l’époque, cette production manufacturière, ne correspondant plus aux anciens rapports de production, donna naissance à une forme de propriété : la propriété privée. En effet, pour la manufacture et pour la première période du développement de la grande industrie, il n’y avait pas d’autre forme de société possible que la société basée sur la propriété privée. Tant qu’on ne peut pas produire une quantité suffisante de produits pour que non seulement il y en ait assez pour tous,  mais qu’il en reste encore un certain excédent pour l’augmentation du capital social et pour le développement des forces productives, il doit nécessairement y avoir une classe dominante, disposant des forces productives de la société, et une classe pauvre, opprimée. La constitution et le caractère de ces classes dépendent chaque fois de la phase de développement de la production. Le société du moyen âge, qui repose sur la culture de la terre, nous donne le seigneur féodal et le serf ; les villes de la fin du moyen âge nous donnent le maître artisan, le compagnon et le journalier, le dix septième siècle, la manufacture et l’ouvrier ; le dix neuvième siècle, le grand industriel et le prolétaire. Il est clair que, jusqu’à présent, les force productives n’étaient pas suffisamment développées pour produire assez pour tous, et que la propriété est devenue, pour ces forces productives, un obstacle. Mais aujourd’hui :
1° où, par suite du développement de la grande industrie les capitalistes et les forces productives se multiplient dans une mesure encore inconnue jusqu’ici où les moyens existent d’augmenter rapidement jusqu’à l’infini ces force productives ;
2° où ces forces productives sont concentrées dans les mains d’un petit nombre de capitalistes, tandis que la grande masse du peuple est de plus en plus rejetée dans le prolétariat ; et que sa situation devient plus misérable et plus insupportable dans la mesure même où les richesses des capitalistes augmentent ;
3° où ces forces productives puissantes, se multipliant avec une telle facilité, ont tellement dépassé le cadre de la propriété privée et du régime bourgeois actuel qu’elles provoquent à chaque instant les troubles les plus considérables dans l’ordre social, la suppression de la propriété privée est devenue non seulement possible, mais même absolument nécessaire.

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