Conséquences directes de la révolution industrielle

11ème question. – Quelles furent les conséquences directes de la révolution industrielle et de la division de la société en bourgeois et prolétaires ?
Réponse. Premièrement, le vieux système de la manufacture ou de l’industrie reposant sur le travail manuel fut complètement détruit, par suite de la diminution des prix des produits industriels  réalisés dans tous les pays à la suite de l’introduction du machinisme. Tous les pays semi barbares, qui étaient restés jusque là plus ou moins en dehors du développement historique et dont l’industrie avait reposé sur le système de la manufacture, furent violemment arrachés à leur isolement. Ils achetèrent les marchandises anglaises à bon marché et laissèrent mourir de faim leurs propres ouvriers de manufacture. C’est ainsi que des pays qui n’avaient réalisé aucun progrès depuis des siècles, tels que  l’Inde, furent complètement révolutionnés, et que la Chine elle-même va maintenant au devant d’une révolution. L’invention d’une nouvelle machine en Angleterre peut avoir pour résulta de condamner à la famine, en l’espace de quelques années, des millions d’ouvriers chinois. C’est de cette manière que la grande industrie a relié les uns aux autres tous les peuples de la terre, transformé tous les marchés locaux en un vaste marché mondial, introduit le progrès et la civilisation, et fait en sorte que tout ce qui se passe dans les pays civilisés doit nécessairement exercer ses répercussions sur tous les autres pays, de sorte que si, maintenant, les ouvriers se libèrent en Angleterre ou en France, cela doit entrainer comme conséquence des révolutions ouvrières dans tous les autres pays.
Deuxièmement, la substitution de la grande industrie à la production manufacturière a eu pour résultat un développement extraordinaire de la bourgeoisie, de ses richesses et de sa puissance et fait d’elle la première classe de la société. Partout où cela s’est produit, la bourgeoisie s’est emparé du pouvoir politique, en détruisant les classes jusque là dominantes : l’aristocratie et le patriciat, ainsi que la monarchie absolue, les représentant toutes deux. La bourgeoisie anéantit la puissance de l’aristocratie, de la noblesse, en supprimant les majorats, c’est à dire l’inaliénation de la propriété foncière, ainsi que tous les privilèges féodaux. Elle détruisit la puissance du patriciat, en supprimant toutes les corporations et tous les privilèges corporatifs. Elle leur substitua la libre concurrence, c’est à dire un état de la société où chacun a le droit d’exercer la branche d’activité qui lui plaît et où rien ne peut l’arrêter dans cette activité que l’absence du capital nécessaire. L’introduction de la libre concurrence est, par conséquent, la proclamation publique que, désormais, les membres ne sont inégaux que dans la mesure où leurs capitaux sont inégaux, et que le capital est la puissance décisive, et qu’ainsi les capitalistes, les bourgeois, sont devenus la première classe de la société. Mais la libre concurrence est indispensable, au début, parce qu’elle est le seul régime qui lui permette d’établir sa prédominance sur les autres modes de production économique. Après avoir ainsi anéanti la puissance sociale de la noblesse et du patriciat, la bourgeoisie anéantit également leur puissance politique. Dès qu’elle est devenue la première classe au point de vue économique, elle veut être également la première classe au point de vue  politique. Elle y parvient au moyen de l’introduction du système représentatif, qui repose sur l’égalité bourgeoise devant la loi et la reconnaissance légale de la concurrence et fut établi dans les pays d’Europe sous la forme de la monarchie constitutionnelle. Dans ces monarchies constitutionnelles, n’ont droit de vote que ceux qui possèdent un certain capital, par conséquent seulement les bourgeois. Les électeurs bourgeois élisent des députés bourgeois, et ces derniers, à leur tour, élisent, au moyen du droit de refus des crédits, un gouvernement bourgeois.
Troisièmement, le prolétariat se développa partout au fur et à mesure du développement de la bourgeoisie elle même. Au fur et à mesure que les bourgeois s’enrichissaient, le nombre des prolétaires augmentait, car, étant donné que les prolétaires ne peuvent être occupés que par le capital, et que le capital ne peut s’accroître qu’en occupant des ouvriers, il en résulte que l’augmentation du prolétariat va exactement de pair avec l’augmentation du capital. Le développement de la bourgeoisie a également pour résultat de regrouper les bourgeois comme les prolétaires dans de grandes agglomérations où l’industrie est pratiquée avec le plus d’avantages, et de donner au prolétariat, par cette concentration des grandes masses sur un espace restreint, la conscience de sa force. D’autre part, plus le capital se développe, plus on invente de nouvelles machines qui éliminent le travail manuel, plus la grande industrie a tendance, comme nous l’avons déjà dit, à abaisser le salaire à son minimum, rendant ainsi la situation du prolétariat de plus en plus précaire. Le renforcement de la bourgeoisie prépare ainsi, grâce au mécontentement croissant et au développement de la puissance du prolétariat, une révolution sociale prolétarienne.

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