18ème question. – Quel cours prendra cette révolution ?
Réponse. Elle établira tout d’abord une constitution démocratique et, par là, directement ou indirectement, la domination politique du prolétariat. Directement, en Angleterre, où les prolétaires constituent déjà une majorité du peuple. Indirectement, en France et en Allemagne, où la majorité du peuple est composée non seulement de prolétaires, mais aussi de petits paysans et de petits bourgeois qui ne sont encore qu’en voie de prolétarisation, et dépendent en tout ce qui concerne leurs intérêts politiques, plus ou moins du prolétariat, et devront donc, par conséquent, se soumettre rapidement aux revendications de la classe ouvrière. Cela nécessitera peut-être une deuxième lutte, mais qui ne peut se terminer que par la victoire du prolétariat.
La démocratie ne serait d’aucune utilité pour le prolétariat, s’il ne l’utilisait pas immédiatement pour prendre des mesures comportant des atteintes directes à la propriété privée et assurant l’existence du prolétariat. Les plus importantes de ces mesures, telles qu’elles sont maintenant indiquées comme découlant nécessairement de la situation, sont les suivantes :
1° réduction de la propriété privée au moyen d’impôt progressifs, de forts impôts sur les successions, suppression du droit de succession en ligne collatérale (frères, neveux, etc., etc.), emprunts forcés, etc. ;
2° expropriation progressive des propriétaires fonciers, des industriels, des propriétaires de chemins de fer et armateurs, soit au moyen de la concurrence de l’industrie d’Etat, soit directement contre indemnité en assignats ;
3° confiscation des biens de tous les émigrés et rebelles à la majorité du peuple ;
4° organisation du travail ou occupation des ouvriers dans les domaines, les fabriques et ateliers nationaux, en supprimant la concurrence des ouvriers entre eux et en obligeant les industriels qui subsisteront encore à payer le même salaire élevé payé par l’Etat ;
5° Obligation au travail pour tous les membres de la société, jusqu’à la suppression de la propriété privée ; constitution d’armées industrielles, particulièrement pour l’agriculture ;
6° centralisation dans les mains de l’Etat du système du crédit et du commerce de l’argent, au moyen de la création d’une banque nationale, avec un capital d’Etat, et suppression de toutes les banques privées ;
7° multiplication des fabriques nationales, des ateliers de chemins de fer ; navire, défrichement de toutes les terres et amélioration des terres déjà cultivées au fur et à mesure de l’augmentation des capitaux et des forces ouvrières dont dispose le pays ;
8° éducation de tous les enfants, à partir du moment où ils peuvent être enlevés aux soins matériels, dans des institutions nationales et aux frais de la nation. (Education et fabrication). (1)
9° construction de grands palais sur les domaines nationaux pour servir d’habitation à des communautés de citoyens occupés dans l’industrie ou l’agriculture, et unissant les avantages de la vie citadine à ceux de la vie à la campagne, sans avoir leurs inconvénients ;
10° destruction de toutes les habitations et quartiers insalubres et mal construits ;
11° droit de succession égal aux enfants légitimes et non légitimes ;
12° concentration de tous les moyens de transport dans les mains de l’Etat ;
Toutes ces mesures ne pourront naturellement pas être appliquée d’un seul coup. Mais chacune entraine nécessairement la suivante. Une fois accomplie la première atteinte radicale à la propriété privée, le prolétariat se verra obligé d’aller toujours de l’avant et de concentrer de plus en plus entre les mains de l’Etat tout le capital, l’agriculture et l’industrie, les transports et les échanges. C’est le but que poursuivent toutes ces mesures, et elles seront applicables et obtiendront leur effet centralisateur au fur et à mesure de l’accroissement des forces productives du pays, réalisé grâce au travail du prolétariat.
Enfin, quand tout le capital, toute la production et tous les échanges seront concentrés dans les mains de l’Etat, la propriété privée tombera d’elle même, l’argent deviendra superflu et la production sera augmentée et les hommes seront transformés tel point qu’on pourra également supprimer les derniers rapports de l’ancienne société.
(1) Les mots entre parenthèses semblent indiquer que l’auteur se proposait de développer ce point en montrant la nécessité d’appuyer tout le système d’éducation sur le travail (note du traducteur)